VAISSEAUX SANGUINS ET LYMPHATIQUES

VAISSEAUX SANGUINS ET LYMPHATIQUES
VAISSEAUX SANGUINS ET LYMPHATIQUES

L’angéiologie est une spécialité médicale autonome qui regroupe les études portant sur l’anatomie, la physiologie et la thérapeutique des maladies des vaisseaux périphériques: veines, artères, lymphatiques et capillaires. Cette discipline vise à faire la synthèse des données auxquelles d’autres spécialités se consacraient jadis: la dermatologie en ce qui concerne les ulcères de jambe, la chirurgie qui extirpait les veines variqueuses, la cardiologie qui traitait les artères, l’hématologie dans le domaine des troubles de la crase sanguine et des troubles des capillaires, la neurologie pour certains troubles vaso-moteurs, enfin la médecine générale qui prenait en charge de nombreux syndromes mal définis d’origine circulatoire, depuis les engelures jusqu’aux paresthésies en passant par les troubles lymphatiques et l’athérosclérose. Ce regroupement a permis de mieux comprendre les causes et les mécanismes des troubles des vaisseaux périphériques dont la physiologie est liée: chaque trouble d’un élément de l’unité fonctionnelle formée par les artères, les veines, les capillaires et les lymphatiques réagit sur les autres membres du groupe. Leur pathologie est très différente de celle des vaisseaux centraux. C’est ainsi que des améliorations très appréciables dans la thérapeutique des affections vasculaires ont été réalisées.

L’étude physiopathologique des maladies artérielles, connues depuis longtemps, reste en plein essor; d’où, en particulier, une meilleure compréhension des troubles dus à l’athéromatose et les traitements chirurgicaux spectaculaires obtenus grâce à de nouveaux matériaux de prothèse. L’étude des capillaires et des lymphatiques, délaissée jusqu’à une époque très récente, ne cesse de progresser et nos connaissances sont en plein remaniement. Quant à la phlébologie, longtemps considérée comme une parente pauvre, elle s’est beaucoup développée. Les chercheurs se sont surtout penchés sur le problème posé à l’organisme par le retour du sang veineux des membres inférieurs, retour rendu difficile par le bipédisme de l’homme, qui fait intervenir la lutte contre la pesanteur. Ils ont étudié les mécanismes mis en place par la nature pour surmonter cet obstacle et inventé des moyens d’exploration qui ont permis de mieux comprendre ces mécanismes, donc de mieux traiter leurs défaillances et les troubles qui en résultent.

1. Les artères

Les artères sont des canaux, à ramifications divergentes, chargés de distribuer dans les différentes parties du corps le sang qui est expulsé, à chaque systole, par les cavités ventriculaires du cœur (L. Testut).

Anatomie

Nomenclature et distribution

Deux troncs volumineux s’échappent des ventricules: l’aorte et l’artère pulmonaire.

L’artère pulmonaire relie le ventricule droit aux deux poumons, auxquels elle apporte le sang veineux destiné à l’hématose. Son trajet est donc exclusivement thoracique et il est fort court (4 à 5 cm). Elle se divise en artères pulmonaires droite et gauche qui se rendent aux poumons droit et gauche; là, elles se ramifient en une multitude d’artères et artérioles qui sont en contact intime avec les alvéoles pulmonaires, ce qui autorise les échanges gazeux entre le sang veineux véhiculé par l’artère pulmonaire et l’air alvéolaire (cf. appareil RESPIRATOIRE).

L’aorte naît du ventricule gauche. Elle s’élève vers la base du cou, puis s’infléchit en arrière vers le rachis et redescend dans le thorax le long du flanc gauche de la colonne vertébrale. Son segment initial a donc la forme d’une crosse dont la concavité embrasse le cœur. Trois artères volumineuses naissent de la crosse aortique: le tronc brachiocéphalique (se divisant lui-même en carotide droite et sous-clavière droite), la carotide gauche et la sous-clavière gauche; elles assurent l’irrigation des membres supérieurs, de la tête et du cou. La sous-clavière, après avoir donné quelques branches à la base du cou, en particulier la vertébrale (qui participe à la vascularisation cérébrale), passe sous la clavicule et entre dans l’aisselle où elle prend le nom d’axillaire qui, à son tour, devient humérale au niveau du bras. Celle-ci se divise à la hauteur du pli du coude en artères radiale, cubitale et interosseuse. Arrivées à la main, les artères radiale et cubitale s’anastomosent en deux arcades palmaires superficielle et profonde et en une arcade dorsale d’où naissent des artères digitales et interosseuses.

L’aorte descendante ne donne par contre que des branches peu importantes: artères intercostales qui longent les espaces intercostaux. L’aorte franchit l’orifice du diaphragme et pénètre dans l’abdomen. Au cours de son trajet abdominal, elle fournit la vascularisation des viscères: tronc cœliaque, artères mésentériques, supérieure et inférieure, artères rénales. Enfin, arrivée à hauteur de la quatrième vertèbre lombaire, elle se bifurque en artères iliaques primitives droite et gauche, qui se divisent à leur tour en artères hypogastriques (destinées aux viscères pelviens) et artères iliaques externes. Ces dernières sortent de l’abdomen au niveau du pli de l’aine et prennent le nom d’artères fémorales, qui vascularisent les membres inférieurs. La fémorale commune se divise en fémorale profonde, qui irrigue la cuisse, et fémorale superficielle, qui ne fait qu’y transiter pour parvenir au niveau du genou et devenir artère poplitée. Cette dernière se bifurque en artères tibiale antérieure, tibiale postérieure et péronière. La distribution des artères du pied rappelle celle de l’artère de la main.

Disposition générale

Chaque artère est accompagnée de sa veine satellite et les deux vaisseaux cheminent de concert, intimement accolés et entourés d’une gaine conjonctive qui leur constitue un véritable fourreau. L’intimité de leurs rapports explique la fréquence des blessures communes des deux vaisseaux et le retentissement classique de l’altération pathologique de la veine sur l’artère (par exemple, spasme artériel dans certaines phlébites). Tout au long de leur trajet, les artères sont en général protégées par des masses musculaires. Mais il existe des zones où elles sont très exposées: c’est le cas de l’artère fémorale qui affleure aux téguments de l’aine et que le moindre traumatisme peut léser. C’est aussi le cas de l’artère poplitée qui est en contact étroit avec le squelette du genou, ce qui explique la fréquence de son atteinte dans les fractures et luxations de cette articulation.

Structure

Les artères sont constituées de trois tuniques: une tunique interne (intima), une tunique moyenne (média) et une tunique externe (adventice). Ces caractères sont communs à toutes les artères, mais les structures de ces trois tuniques présentent des particularités selon qu’il s’agit d’artères élastiques, d’artères musculaires ou d’artérioles.

Les artérioles (30 à 150 micromètres de diamètre) ont une intima (ou endartère) réduite, à endothélium très aplati. La média constitue un tube musculaire formé par une assise de fibres lisses à direction transversale. L’adventice est constituée par des cellules et des fibres conjonctives.

Les artères de type musculaire sont de petite taille (artères de la main) ou de taille moyenne (artère poplitée). La tunique moyenne est épaisse et limitée par une lame élastique sinueuse sur chacune de ses faces. Entre ces deux limitantes, on distingue des fibres musculaires lisses qui assurent la contractilité du vaisseau. Ces fibres musculaires sont mêlées, en proportion inégale, à du tissu conjonctif et à des fibres élastiques: le muscle prédomine sur les petites artères alors que les fibres élastiques abondent dans les artères moyennes.

Dans les artères de type élastique (aorte et carotide), l’intima est épaisse et de structure complexe; la média est essentiellement constituée de lames élastiques disposées concentriquement et de quelques fibres musculaires lisses isolées; l’adventice est moins développée que celle des artères musculaires; on y reconnaît, en plus des trousseaux conjonctifs, des petits vaisseaux nourriciers de la paroi artérielle (vasa vasorum ) et une innervation sympathique.

Histophysiologie

Toute artère est constituée de trois éléments fondamentaux:

– Un complexe endothélio-mésenchymateux (intima). La perméabilité de l’endothélium assure la nutrition de l’endartère et maintient le milieu interne constant et liquide. Une fonction anticoagulante est assurée par des cellules (héparinocytes) qui sécrètent l’héparine. Le complexe endothélio-mésenchymateux est l’élément rénovateur de l’artère. Son hyperplasie et sa détérioration sont le primum movens de l’endartérite oblitérante.

– Une charpente musculo-élastique (média); c’est l’élément dynamique de l’artère. Elle comporte des fibres musculaires lisses prédominant dans les petites et moyennes artères et des fibres élastiques qui sont plus abondantes dans les artères de gros calibre.

– Un complexe vasculo-nerveux (adventice); c’est l’élément régulateur de la paroi artérielle. Sa nutrition est assurée par les vasa vasorum . Les nerfs sont à la fois sensitifs et moteurs: les récepteurs assurent la sensibilité artérielle, qui est très grande à toutes les formes d’agression. Les terminaisons des nerfs sympathiques contrôlent la vaso-motricité artérielle et la régulation de la circulation artérielle et artériolaire.

Les fonctions des artères sont différentes suivant le diamètre du vaisseau. Les grosses artères élastiques se laissent distendre par l’ondée systolique provenant du cœur. En revenant sur elles-mêmes, elles restituent la force emmagasinée et économisent le travail du cœur. Le tissu élastique comporte des polymucosaccharides dont l’importance serait primordiale: leur altération serait à l’origine de l’athérome et des calcifications des gros vaisseaux, qui perdent, de ce fait, l’essentiel de leurs qualités élastiques.

Les artères petites et moyennes sont contractiles. Leur distension provoque une hyperhémie, et cet afflux de sang se caractérise par une rougeur des téguments du territoire irrigué (par exemple, rougeur de la face). Inversement, leur contraction diminue le débit sanguin et aboutit, au pire, à une ischémie avec pâleur des extrémités (par exemple, doigts blancs dans l’onglée).

Hémodynamique artérielle

L’hémodynamique artérielle est complexe du fait que le réseau artériel ne peut pas être assimilé à un système de canalisations rigides et inextensibles.

Élasticité

Les artères moyennes et grosses sont élastiques, ce qui leur permet de se distendre à l’arrivée de l’ondée systolique cardiaque et de la transmettre vers l’aval au prix d’une chute de pression infime. Par ailleurs, le sang n’est pas un liquide newtonien: il est doué de viscosité qui varie selon la concentration des éléments figurés du sang. Le régime d’écoulement n’est pas continu mais pulsatile, ce caractère s’atténuant au niveau des artérioles.

Vaso-motricité

Cette caractéristique fondamentale exprime la propriété qu’ont les artères de faire varier leur calibre grâce à leurs fibres musculaires. La vaso-motricité, magistralement établie par Claude Bernard en 1851, met en jeu des mécanismes complexes que l’on peut résumer ainsi: il existe un tonus vaso-moteur qui est un état de demi-contraction permanente des fibres musculaires, conséquence d’une activité tonique provenant des centres nerveux médullaires et bulbaires et se transmettant aux vaisseaux par les nerfs sympathiques vaso-constricteurs. La section de ces nerfs provoque la vaso-dilatation (expérience de Claude Bernard sur le ganglion cervical supérieur du lapin). Des facteurs humoraux interviennent dans la régulation de la vaso-motricité: l’équilibre ionique du milieu intérieur, la sécrétion d’hormones médullo-surrénales, la diffusion de facteurs paracrines.

Pression artérielle

C’est la mise en jeu des éléments précédents qui permet la régulation de la pression artérielle résultant de trois facteurs: le débit cardiaque, qui est fonction de la fréquence et du volume de l’ondée systolique; l’élasticité artérielle, qui diminue avec l’âge; enfin, les résistances périphériques, qui constituent le facteur le plus efficace. C’est en effet par le jeu de la vaso-motricité que se fait l’adaptation des résistances au service de la régulation de la pression.

Conséquences de l’arrêt circulatoire

L’interruption de la circulation dans une artère entraîne l’ischémie du territoire dépendant de cette artère. Cette ischémie évolue de deux façons. Si la circulation est rétablie à temps, les tissus retrouvent leur intégrité, et il ne subsiste pratiquement pas de séquelle de leur souffrance passagère: l’ischémie est dite réversible. Par contre, si l’ischémie se prolonge, les tissus privés d’apport sanguin vital se nécrosent plus ou moins rapidement et évoluent vers la gangrène: l’ischémie devient irréversible.

En fait, les conséquences de l’arrêt circulatoire sont très variables selon les artères et les territoires irrigués. Les tissus «nobles», tels que le foie, le rein et surtout le cerveau, sont particulièrement sensibles à un arrêt circulatoire. D’une part, parce que les artères qui les irriguent sont «terminales», c’est-à-dire qu’elles sont seules à assurer l’irrigation de territoires à limites nettes sans pouvoir être suppléées par les artères voisines. D’autre part, parce que les cellules de ces organes nobles ont un seuil de tolérance très bas à l’ischémie, qui est la rançon de leur grande complexité et de leur sophistication. Le cerveau ne peut tolérer un arrêt circulatoire supérieur à quelques minutes, alors que le rein «supporte» une demi-heure d’ischémie. Cette tolérance est augmentée par le refroidissement, et cette caractéristique est mise à profit en chirurgie lorsqu’on doit interrompre temporairement la circulation dans une artère rénale. Les muscles ont une meilleure tolérance, mais elle n’excède pas quelques heures, faute de quoi les cellules dégénèrent, meurent et se détruisent, libérant ainsi des métabolites toxiques très dangereux qui, sitôt la circulation rétablie, provoquent un «syndrome métabolique» grave, avec néphrite aiguë, pouvant entraîner une anurie (arrêt de la sécrétion rénale) et parfois la mort. Fort heureusement, les artères musculaires ne sont pas terminales et échangent entre elles des anastomoses, de telle sorte que les artères voisines peuvent suppléer l’artère défaillante par la mise en jeu de ces anastomoses, qui assurent au territoire ischémié une irrigation appauvrie mais permettant sa survie.

Exploration des artères

Il existe une multitude de procédés permettant l’exploration des artères. Le plus simple est la prise du pouls au niveau des artères qui affleurent les téguments. Les lieux d’élection sont la gouttière radiale au poignet et le pli de l’aine pour l’artère fémorale. Un clinicien averti tirera de cet examen des renseignements très importants.

L’auscultation des artères avec un stéthoscope permet de percevoir des souffles d’intensité variable dans certaines artériopathies et dans les anévrysmes. L’enregistrement de la pression artérielle se fait à l’aide de sphygmomanomètres, dont les plus usuels sont l’appareil de Vaquez, qui permet de chiffrer les pressions maximale et minimale, et l’appareil de Pachon, grâce auquel on peut apprécier les oscillations de l’artère à chaque battement.

Des méthodes plus modernes permettent d’explorer plus complètement la circulation artérielle. Citons en premier lieu l’artériographie qui visualise entièrement l’arbre artériel à l’aide d’un produit iodé radio-opaque que l’on injecte dans l’artère. La prise de clichés radiographiques à cadence accélérée donne des renseignements très utiles sur la vitesse de progression de l’ondée sanguine, sur les altérations pathologiques des parois artérielles et sur la valeur de la circulation de suppléance en cas d’oblitération du tronc principal.

Il existe par ailleurs des examens complémentaires qui permettent une expertise plus poussée de la circulation artérielle distale:

– la pléthysmographie apprécie le débit périphérique d’après les variations de volume de la région explorée;

– la rhéographie enregistre les variations d’impédance liées au phénomène sphygmique;

– la débimétrie électromagnétique chiffre la force électromotrice et la vitesse de déplacement du sang;

– les isotopes (xénon 133) ont permis l’étude dynamique de la fonction circulatoire;

– angiographie normale ou numérisée par échographie Doppler.

Pathologie artérielle

La pathologie artérielle est particulièrement riche, et on ne peut qu’en esquisser les principaux aspects.

Les traumatismes artériels

Les traumatismes artériels sont de plus en plus fréquents actuellement du fait de la recrudescence des accidents routiers, des accidents du travail et de la criminalité. La plaie d’une artère peut être provoquée soit par une arme blanche (elle est alors nette et franche, donc plus facile à réparer), soit par un projectile (balle de revolver ou éclats de grenade; les lésions sont, dans ce cas, plus importantes et peuvent aller jusqu’à la dilacération vasculaire, d’autant plus grave qu’elle s’accompagne souvent de lésions des parties molles et de fractures multifragmentaires). L’expression clinique la plus évidente est l’hémorragie extériorisée par la plaie cutanée: le sang sort en jet et, s’il s’agit d’une grosse artère à fort débit, l’hémorragie peut entraîner la mort en quelques minutes par anémie aiguë; c’est-à-dire que la plaie d’une artère constitue l’urgence chirurgicale par excellence. Le geste salvateur consiste à faire l’hémostase provisoire, soit en comprimant l’artère fortement, soit en posant un garrot en amont de la plaie. Mais, fort heureusement, certaines plaies artérielles se manifestent autrement que par une hémorragie incoercible: l’artère blessée peut s’arrêter spontanément de saigner (plaie sèche); d’autres fois, il se produit un épanchement de sang qui fuse sous les masses musculaires qui sont refoulées et soulevées par cet «hématome pulsatile». Enfin, il est des cas où l’artère n’est pas blessée mais simplement contuse, de sorte que le sang risque de se coaguler au niveau de la zone contuse. Ainsi se constitue une thrombose qui s’étend vers le lit artériel d’aval, avec sa conséquence grave: l’ischémie, puis la gangrène du membre.

C’est dire que toute plaie artérielle doit être opérée d’extrême urgence. Le chirurgien ne se contente plus, comme autrefois, de ligaturer l’artère (sauf s’il s’agit d’un petit vaisseau), car ce geste assure l’hémostase au prix d’un risque prohibitif d’ischémie. Il convient donc de réparer l’artère, soit en la suturant, soit en interposant un greffon veineux, voire une prothèse en Dacron, qui permettent de rétablir le cours du vaisseau. Mais, grâce aux progrès de la chirurgie vasculaire, le pourcentage d’amputations, qui était en 1939-1945 de 50 à 80 p. 100, est très faible, il varie selon le siège de la blessure et son importance.

Les artériopathies

Les artériopathies constituent le principal chapitre de la pathologie vasculaire. Leur fréquence est croissante et leur gravité est telle qu’elles occupent une des toutes premières places dans les causes de mortalité. La syphilis et certaines maladies infectieuses peuvent être à l’origine des artériopathies, mais cette éventualité est très rare.

L’athérosclérose, qui constitue de loin la grande pourvoyeuse des maladies vasculaires, se définit ainsi: affection de l’intima des grosses et moyennes artères, caractérisée par la combinaison de deux lésions fondamentales, la plaque d’athérome formée par le dépôt lipidique et l’épaississement fibreux de l’intima. Toutes les artères de l’organisme peuvent en être atteintes, avec trois localisations plus fréquentes:

– atteinte des artères coronaires, entraînant une insuffisance d’irrigation du muscle cardiaque qui se traduit par une angine de poitrine, voire un infarctus du myocarde;

– atteinte des artères cérébrales, avec des manifestations de déficit variées: syncopes, vertiges, troubles de la vue et de la parole, voire paralysie partielle ou totale d’un membre, ou à l’extrême hémiplégie et coma;

– atteinte des artères des membres, localisation la plus fréquente, essentiellement des membres inférieurs, dix fois plus atteints que les membres supérieurs.

L’artérite des membres inférieurs se manifeste par un déficit de la fonction musculaire, dont la traduction clinique est la «claudication intermittente»: au cours de la marche, le malade ressent, le plus souvent dans le mollet, une crampe violente qui l’oblige à s’arrêter. Quelques instants plus tard, il peut reprendre la marche, mais il est de nouveau stoppé par la crampe qui survient tous les cents ou deux cents mètres. Plus le périmètre de marche est court, plus l’ischémie est sévère, et plus le risque est grand de voir survenir des manifestations d’une ischémie irréversible: les douleurs apparaissent même au repos et coïncident avec l’apparition d’ulcérations des orteils ou du talon. Le stade ultime est réalisé par la gangrène du pied, voire de la jambe, qui survient lorsque l’artère s’obstrue complètement et que le sang ne parvient plus aux extrémités. Le processus anatomique est en effet le suivant: la plaque d’athérome, en se développant sous l’intima épaissie, entraîne un rétrécissement du calibre artériel. Il en résulte une diminution du débit artériel et un ralentissement circulatoire qui favorisent la thrombose.

Bien que des travaux considérables aient été consacrés à l’origine de l’athéromatose, on ne peut que retenir l’existence de facteurs étiologiques favorisant l’apparition de cette maladie: elle atteint le plus souvent l’homme âgé, gros fumeur, souvent diabétique et qui présente parfois des troubles du métabolisme des graisses en fait de la cholestérolémie (surtout dans les maladies coronariennes).

Tout malade atteint d’artériopathie doit subir un bilan complet, non seulement clinique mais aussi biologique et radiologique, de façon à établir une thérapeutique adaptée à chaque cas. Telle artérite, qui s’avère peu évolutive, sera facilement contrôlée par des règles hygiéno-diététiques simples: suppression du tabac, des graisses, petits exercices physiques, cures thermales suffisent le plus souvent. Lorsque le périmètre de marche diminue, il convient d’y associer une médication plus active: vaso-dilatateurs et anticoagulants permettent d’améliorer l’état circulatoire dans la majorité des cas.

Mais, lorsque la thérapeutique médicale échoue, il convient d’avoir recours à la chirurgie, qui offre deux solutions:

– Soit la résection de la chaîne nerveuse sympathique: c’est la sympathectomie qui entraîne une vaso-dilatation et un développement de la circulation de suppléance.

– Soit la restauration du courant circulatoire dans l’artère principale obturée par l’athérome. On a le choix entre la désobstruction, ou endartériectomie (fig. 1), et le pontage à l’aide d’une veine (fig. 2) ou d’un tube prothétique (fig. 3) en Dacron, que l’on insère en amont et en aval du segment artériel obstrué qui se trouve court-circuité. Ces techniques chirurgicales ont été conçues et réalisées en France en 1948-1950 (Kunlin, Faurel, Dubost), puis vulgarisées aux États-Unis, d’où nous viennent les prothèses alloplastiques (Edwards, De Bakey).

Malgré les progrès considérables de la thérapeutique, le pronostic des artériopathies reste sérieux, car les localisations de l’athérosclérose sont souvent multiples, justifiant une surveillance médicale stricte et sans défaillance.

Les anévrysmes

Les anévrysmes constituent une affection plus rare mais particulièrement redoutable. Il s’agit d’une dilatation artérielle résultant de la destruction des structures musculo-élastiques de la tunique moyenne des grosses ou moyennes artères. La syphilis et surtout l’athérome sont les causes les plus fréquentes de la maladie anévrysmale, qui survient essentiellement chez l’homme âgé. Certains anévrysmes de l’enfant reconnaissent une étiologie bien particulière, en l’occurrence une absence congénitale de fibres élastiques dans la média.

L’anévrysme siège de façon élective au niveau de l’aorte ou de ses grosses branches abdominales, plus rarement à celui des artères fémorales et poplitées (cf. photo ci-après). Il se manifeste par des douleurs et des signes d’ischémie. L’examen fait découvrir une tuméfaction pulsatile très caractéristique, qui s’accompagne d’un souffle à l’auscultation. Si certains anévrysmes évoluent lentement, la plupart se compliquent rapidement. La rupture de l’anévrysme est un accident dramatique qui entraîne rapidement la mort par choc et hémorragie. C’est-à-dire que la découverte d’une ectasie artérielle doit être suivie d’une sanction thérapeutique rapide: la résection chirurgicale du segment artériel dilaté et le rétablissement de la continuité du vaisseau par l’interposition d’une prothèse en Dacron.

Les malformations artérielles congénitales

Les malformations congénitales des artères sont rares et assez mal connues, d’autant plus qu’elles sont souvent intriquées avec des malformations veineuses. Il s’agit, en général, de fistules artério-veineuses qui ne sont que la persistance d’un stade embryologique initial où artérioles et veinules ne sont pas individualisées et communiquent largement entre elles. Cette communication entre artère et veine peut être simple ou multiple, elle peut être volumineuse ou à peine visible à l’œil de l’opérateur. Il en résulte que le sang artériel est, en particulier, court-circuité vers la veine. Il est donc détourné de sa destination, c’est-à-dire du réseau capillaire terminal et des tissus, qui souffrent de cette «diversion circulatoire». Cliniquement, cette fistule se manifeste, dès le premier âge ou chez l’adolescent, par une triade symptomatologique: varice diffuses, angiome plan et hypertrophie avec allongement du membre. Cet aspect est très caractéristique et porte de nom de syndrome de Klippel-Trenaunay. La fistule est parfois perceptible par la palpation attentive, qui perçoit un frémissement, et par l’auscultation, qui décèle un souffle. Mais, le plus souvent, cette recherche est décevante, et il faut avoir recours à l’artériographie pour objectiver le shunt artério-veineux et au dosage de la teneur du sang veineux en oxygène (qui se trouve augmentée par l’enrichissement en sang artériel). Les troubles provoqués par cette fistule peuvent être mineurs et ne justifient que la surveillance de l’enfant et, éventuellement, le port d’une bande élastique. Dans les cas plus graves, il faut détruire chirurgicalement cette fistule après l’avoir soigneusement repérée par l’artériographie.

Les thromboses artérielles aiguës

Les thromboses artérielles aiguës constituent un accident évolutif redoutable de nombreuses artériopathies. Elles entraînent l’interruption du courant circulatoire du fait de la coagulation sanguine à l’intérieur de l’artère malade. C’est dire qu’elles surviennent essentiellement au décours d’une artérite, plus rarement d’un anévrysme ou d’un traumatisme artériel, comme nous l’avons vu.

La thrombose aiguë provoque l’ischémie du territoire irrigué par l’artère, qui a pour origine non seulement l’obturation du vaisseau thrombosé mais souvent aussi le spasme des voies de suppléance qui ne peuvent donc compenser, même partiellement, l’arrêt brutal de la voie principale. La souffrance des tissus privés de sang oxygéné se matérialise par des douleurs vives, un refroidissement rapide du membre, qui devient impotent et insensible. Les pouls distaux sont abolis et l’indice oscillométrique nul.

Le diagnostic de la thrombose est facile à établir chez un artéritique connu, mais il en va autrement lorsque l’accident aigu «ouvre la scène clinique» d’une artériopathie qui, jusque-là, était cliniquement muette et bien tolérée. C’est l’artériographie qui permet de reconnaître l’artérite en objectivant les irrégularités de tout l’arbre artériel (stigmates de l’athérome) et de situer le siège de la thrombose: on note, en effet, un arrêt de la colonne opaque, en aval duquel l’image artériographique est «désertique».

Le traitement de cette urgence médicale doit être institué avec célérité et consiste à faire des perfusions intraveineuses de sérum, d’héparine et de vaso-dilatateurs de façon à limiter la progression de la thrombose et à lever le spasme qui bloque la circulation collatérale. La chirurgie ne peut être envisagée qu’en cas d’échec du traitement médical et avec beaucoup de prudence, car les conditions anatomiques et circulatoires ne sont guère favorables à une tentative de désobstruction de l’artère. Un pontage peut constituer, dans certains cas, une intervention de sauvetage, à condition d’être entrepris à temps sur un membre que l’ischémie trop prolongée n’a pas condamné aux lésions irréversibles.

Les embolies artérielles

Les embolies artérielles réalisent également une ischémie aiguë, mais, à la différence des thromboses artérielles, l’arrêt circulatoire est dû à la migration d’un caillot provenant le plus souvent du cœur gauche (rétrécissement mitral dans la majorité des cas). Cet embol, propulsé à grande vitesse dans le torrent aortique, s’engage dans des artères de plus en plus étroites et finit par s’arrêter à tel ou tel niveau selon sa taille. C’est dire que toutes les artères de l’organisme peuvent être le siège d’une embolie.

Au niveau des artères cérébrales, l’accident est dramatique et entraîne le plus souvent un coma avec hémiplégie.

Les artères viscérales peuvent être également bloquées par l’embol. Il en résulte, suivant les cas, une ischémie rénale, splénique ou intestinale dont le diagnostic est souvent délicat et l’évolution préoccupante. Dans tous les cas, la douleur abdominale ou lombaire est violente et s’accompagne d’un état de choc alarmant. L’émission de sang dans les urines ou dans les selles oriente les investigations. L’aortographie sélective de ces artères permet de lever les doutes en montrant l’arrêt net au niveau d’une artère viscérale ou de l’une de ses branches. Outre une réanimation vigoureuse et l’héparinothérapie systématique, on sera parfois conduit à opérer pour lever l’obstacle et rétablir la circulation dans le viscère; celui-ci ne peut en effet supporter une ischémie prolongée, et la mort peut survenir par gangrène de l’intestin ou infarctus du rein. L’infarctus de la rate se traite par l’ablation de l’organe (splénectomie). Le rein et l’intestin doivent, par contre, être revascularisés à tout prix: le chirurgien aborde l’artère obstruée, l’ouvre, extirpe le caillot et revascularise le viscère. Si les lésions sont irréversibles, on est alors conduit à enlever un rein ou un segment d’intestin.

L’embolie artérielle est plus fréquente au niveau des membres, surtout des membres inférieurs. Cliniquement, elle se traduit par une douleur brutale, en coup de fouet, entraînant une impotence et un refroidissement rapides. Les téguments sont insensibles et prennent une pâleur de cire, les réflexes sont abolis, les pouls ne sont plus perçus en aval. L’artériographie montre un arrêt net, en cupule, de la colonne opaque avec un arbre artériel d’amont bien injecté et dont les parois sont régulières, preuve qu’il s’agit d’artères saines et non d’artères athéromateuses, de calibre irrégulier. En aval, on aperçoit à nouveau l’artère dessinée par le produit iodé, ce qui permet de juger du siège de l’interruption et de son étendue. Non traitée, une embolie artérielle évolue rarement vers la régression spontanée des symptômes. En règle générale, l’aggravation se fait rapidement et l’ischémie engendre la mortification des tissus, c’est-à-dire la gangrène avec sa conséquence dramatique: l’amputation. C’est pour l’éviter qu’il faut instituer d’urgence une thérapeutique médicale identique à celle des thromboses, à savoir les perfusions intraveineuses d’héparine et de vaso-dilatateurs, voire de médicaments fibrinolytiques pouvant dissoudre le caillot. Si une amélioration décisive ne se dessine pas rapidement, dans les deux ou trois heures qui suivent, il faut opérer d’urgence le malade. Après ouverture de l’artère en amont ou en aval de l’obstacle, on introduit dans la lumière artérielle une sonde de Fogarty, dont l’extrémité est munie d’un ballonnet gonflable permettant de ramoner l’artère et de retirer le caillot migrateur, souvent prolongé d’un caillot de thrombose. La voie est à nouveau libre et le membre revascularisé.

Problème des amputations

Le problème des amputations a été souvent évoqué au cours de cet exposé sur la pathologie des artères. La gangrène est, hélas, le lot de nombreuses artériopathies, qu’elle survienne à la suite d’une ischémie aiguë ou qu’elle soit la conséquence ultime d’un appauvrissement circulatoire progressif. C’est donc un constat d’échec, et il est douloureusement ressenti tant par le malade que par le chirurgien qui doit s’efforcer par tous les moyens de l’éviter. C’est dire qu’il faut tout tenter pour garder un membre et, si cela est inévitable, pratiquer une mutilation relativement acceptable. L’amputation de cuisse, chez un homme âgé, fatigué, cardiaque, est catastrophique, car elle n’est guère appareillable et fera du malade un grabataire ou un condamné à la chaise roulante. L’amputation de un ou plusieurs orteils, voire de l’avant-pied, constitue un sacrifice que la plupart des artéritiques peuvent consentir sans dommage. Elle supprime les douleurs et rend rapidement le malade à une vie normale ou semi-active. Si la gangrène est plus extensive, il faut amputer plus haut en conservant à tout prix le genou, qui est une articulation indispensable: l’amputation se fait au tiers supérieur de la jambe, ce qui autorise la reprise rapide de la marche grâce aux prothèses modernes assurant à l’amputé une complète autonomie et sa réintégration sociale.

Troubles vaso-moteurs des extrémités

Ce chapitre regroupe tous les syndromes où le trouble de la vaso-motricité est essentiellement fonctionnel et où l’altération anatomique est inexistante, tout au moins au début. Alors que les artériopathies déjà décrites prédominent aux membres inférieurs, ces troubles vaso-moteurs sont plutôt l’apanage du membre supérieur. On peut les classer en deux catégories: troubles vaso-moteurs essentiels et troubles vaso-moteurs secondaires à une cause loco-régionale.

Troubles vaso-moteurs essentiels

La maladie de Raynaud

La maladie de Raynaud atteint les deux membres supérieurs et survient surtout chez les femmes jeunes. Son étiologie est inconnue. Elle est essentiellement caractérisée par une crise vaso-motrice qui dure quelques minutes et où se succèdent trois phases: les doigts blanchissent, puis deviennent bleus, cyaniques et enfin rougissent, en même temps que la malade ressent des fourmillements ou des brûlures. Cette crise, si caractéristique, est provoquée par le froid, accessoirement par une émotion, et il est remarquable de constater que les malades sont très souvent des anxieuses, des timides, des insatisfaites. L’interrogatoire permet parfois d’apprendre que la maladie est survenue après un choc affectif violent (décès, conflit familial, perte de situation), à tel point que l’on peut considérer cette affection comme une maladie psychosomatique et faire bénéficier certains malades de l’aide d’un psychologue.

L’examen clinique est pratiquement négatif. Les artères périphériques sont bien perçues et les doigts, en dehors des crises, ont un aspect normal. L’artériographie ne montre aucune lésion artérielle, ce qui permet d’éliminer une artérite digitale ou une artérite juvénile de Bürger. Mais ce syndrome vaso-moteur finit par engendrer, au bout de quelques années, des troubles trophiques: les doigts s’effilent en baguette de tambour, les ongles se racornissent et de petites escarres apparaissent à la pulpe. L’évolution de la maladie de Raynaud est souvent grave, car les troubles trophiques s’accentuent et peuvent entraîner la perte de un ou plusieurs doigts. Mais surtout il convient de redouter l’association avec une sclérodermie: les traits se figent, les lèvres s’amincissent, la bouche se rétracte. Malheureusement, le processus est généralisé et les signes d’atteinte rénale, digestive et cardio-vasculaire ne tardent pas à apparaître. C’est la biopsie cutanée qui permet d’établir le diagnostic de cette collagénose dont le pronostic est redoutable.

Le traitement de la maladie de Raynaud consiste à protéger les mains contre le froid (port de gants de soie et de moufles) et à administrer des vaso-dilatateurs et des sédatifs associés à la psychothérapie. Dans les cas graves, on peut envisager la sympathectomie dorsale supérieure.

L’érythermalgie

L’érythermalgie est caractérisée par l’apparition d’une sensation de brûlure, de rougeur et de gonflement des mains et des pieds. Le sujet calme sa douleur par immersion des mains dans l’eau fraîche ou en marchant pieds nus sur le sol froid. Ces crises sont calmées par l’aspirine, dont l’action est si nette que les auteurs américains en ont fait un signe indirect d’érythermalgie.

L’acrocyanose

L’acrocyanose prédomine nettement chez la femme. Il s’agit le plus souvent d’une jeune fille qui consulte parce qu’elle a les mains violacées; elles ne sont nullement douloureuses, mais elle les considère comme une disgrâce très pénible à supporter, d’autant plus que la cyanose s’accompagne souvent d’hypersudation. Le traitement consiste à protéger contre le froid, à corriger les troubles endocriniens et à administrer des phlébotoniques associés à une psychothérapie discrète.

Troubles vaso-moteurs secondaires

Ils sont parfois le fait de microtraumatismes locaux (pianistes, sténodactylos et surtout ouvriers travaillant sur marteaux piqueurs). Mais le plus souvent, il faut rechercher une cause régionale. C’est l’examen attentif, tant clinique que radiologique, de la base du cou qui permet de mettre en évidence la cause de compression de l’artère sous-clavière ou axillaire: côte cervicale longue ou hypertrophie de l’apophyse transverse de la VIIe vertèbre cervicale, compression de la sous-clavière par le tendon du muscle scalène antérieur ou la pince formée par la première côte et la clavicule, voire par le tendon du petit pectoral. Ces compressions entraînent des manifestations identiques à celles de la maladie de Raynaud, mais – fait essentiel – elles sont unilatérales. Il existe des tests qui permettent d’objectiver cette compression et d’en faire apparaître les manifestations: les manœuvres d’Adson et de Call sont très significatives. L’artériographie révèle le siège de la compression. Le traitement consiste à supprimer l’agent traumatisant, c’est-à-dire à réséquer une côte cervicale ou à sectionner le scalène, bref à «libérer» l’artère de ses contraintes extérieures. On peut associer à ce geste libérateur la sympathectomie dorsale supérieure de façon à obtenir une vaso-dilatation.

2. Les capillaires

Les capillaires sont des canaux extrêmement fins qui constituent, selon les conceptions classiques, la transition entre le système artériel et le système veineux. Pour les auteurs contemporains, le capillaire est au contraire une unité fonctionnelle qui comprend l’artériole précapillaire, le capillaire proprement dit et la veinule postcapillaire, unité permettant à la fois le retour du sang veineux et les échanges entre les vaisseaux et les tissus (fig. 4).

Anatomie et physiologie

Description

Le capillaire proprement dit comprend trois parties: l’anse capillaire servant aux échanges métaboliques; la métartériole assurant le retour du sang veineux; l’anastomose doublant la métartériole et ne s’ouvrant qu’en cas de besoin.

Les capillaires se divisent sans que diminue leur calibre; celui-ci varie de 5 à 20 micromètres. Ils sont très nombreux et on les trouve dans tous les tissus. Un centimètre carré de peau en contient environ trois mille, et la surface des capillaires pour l’ensemble de la musculature atteindrait selon Borgmann une surface de 6 300 mètres carrés.

Structure

On décrit habituellement dans le capillaire trois couches: une gaine conjonctive, la plus externe; une couche endothéliale, médiane, avec cément; un enduit d’absorption, interne.

Pour les auteurs modernes, la structure en est plus complexe et comprend quatre zones: une adventice externe; une zone servant de filtre, véritable tamis percé de pores de 30 à 4,5 nanomètres de diamètre; des cellules endothéliales réunies par le cément; un enduit de protéines plasmatiques qui tapissent l’endothélium (fig. 5).

Physiologie

C’est au niveau de l’anse capillaire que se font les échanges entre les vaisseaux et les tissus. Quoique la microcirculation soit indépendante du tonus vasculaire général et soit régie par un équilibre artériole-veinule, la paroi du capillaire n’est pas une simple membrane semi-perméable percée de pores, mais aussi une matière vivante sélective, où les échanges sont facilités par la lenteur du flux sanguin.

La paroi du capillaire présente deux caractéristiques: sa résistance, qui a pour but de maintenir le sang dans son état physiologique liquide et de lutter contre la spoliation sanguine; sa perméabilité permettant les échanges. Ceux-ci ont un rôle double: apporter aux tissus les éléments nutritifs indispensables; évacuer les produits du catabolisme cellulaire.

Le liquide interstitiel représente le milieu intermédiaire indispensable aux échanges dans la plupart des tissus. La régulation de la microcirculation se fait par l’intermédiaire de médiateurs chimiques, soit endogènes, normalement contenus dans les tissus et libérés exceptionnellement (ions, histamine, polypeptides CO2), soit exogènes du type sérotonine, etc. La formation des liquides interstitiels dépend des rapports entre la pression hydrodynamique (due à l’activité cardiaque et qui assure la filtration) et la pression oncotique (due aux substances de poids moléculaire élevé qui restent dans le plasma et provoquent la rétention). Les liquides interstitiels en perpétuel mouvement sont sans cesse filtrés et résorbés à travers la paroi capillaire.

Les techniques d’étude

Des méthodes expérimentales nouvelles ont permis d’acquérir une meilleure connaissance de l’anatomie et de la physiologie de la microcirculation capillaire.

D’une part, la microscopie et la cinématographie rendent possible l’étude des membranes vivantes minces et translucides: la membrane de la chauve-souris, le mésentère du lapin, la membrane interdigitale du crapaud et le fond d’œil de l’homme.

D’autre part, on peut étudier la disparition de substances injectées dans le sang; on injecte soit un produit marqué par un isotope radioactif, qui renseigne sur le calibre, les anastomoses, la perméabilité et les échanges, soit de l’encre de Chine, qui a permis d’évaluer le nombre de capillaires perméables à un moment donné; ce nombre varie en effet beaucoup (et peut être multiplié par cinquante) selon que le muscle est au travail ou au repos.

Le flux sanguin dans les capillaires présente trois caractéristiques importantes: les éléments figurés du sang (globules, plaquettes) n’adhèrent pas les uns aux autres; ils circulent au milieu de la colonne sanguine; la circulation est plus lente le long des parois. Ce flux peut varier énormément sous diverses influences (spasmes, variations de pression, activités des sphincters précapillaires, nombre de capillaires ouverts, etc.).

Pathologie des capillaires

La pathologie se résume en trois grands chapitres: la fragilité capillaire, les purpuras et les troubles vaso-moteurs des extrémités (ou acrosyndromes).

Fragilité capillaire

Par fragilité capillaire, on entend une anomalie soit du contenant (paroi capillaire), soit du contenu (plaquettes sanguines).

On établit le diagnostic au moyen d’une batterie de tests comprenant: un test hémodynamique par compression (signe du lacet) ou par dépression (angiostéromètre); un test anatomique, une biopsie renseignant sur les anomalies anatomiques; la capillaroscopie, qui étudie l’écoulement du sang dans les capillaires; la thermométrie cutanée, qui renseigne sur les anastomoses artério-veineuses; la pléthysmographie, qui étudie le débit capillaire; l’injection de corps traceurs, qui donne des renseignements sur le débit et la perméabilité.

La thérapeutique de la fragilité capillaire doit agir sur la paroi par un traitement vitamino-thérapique (vitamine C, P, PP), phytothérapique et capillaro-protecteur.

Purpuras

Les purpuras sont une apparition de lésions hémorragiques cutanées et muqueuses. Il en existe des formes aiguës, où il faut rechercher une cause toxique professionnelle ou médicamenteuse, et des formes chroniques, dues à une anomalie des constituants de la coagulation du sang ou parfois à une infection généralisée.

Un diagnostic précis est possible grâce à la recherche de la numération plaquettaire, de la numération globulaire, de la formule sanguine et du myélogramme. Les examens actuels permettent une étude plus fine des diverses étapes de la coagulation (thrombo-élastogramme, plaquettes défibrinées et même isotopes radioactifs et immunologie).

Il existe trois grands groupes de purpuras qui peuvent être chacun révélateurs d’une maladie générale de gravité diverse: les purpuras thrombopéniques (avec diminution de plaquettes), qui peuvent révéler une leucémie; les purpuras vasculaires soit rhumatoïdes anaphylactiques, soit infectieux; les purpuras hémorragiques, qui signent une atteinte héréditaire.

La thérapeutique des purpuras doit agir sur les plaquettes du sang. Outre la transfusion sanguine utilisée dans les cas graves hémorragiques, le traitement comprendra des médicaments hémostatiques (vitamine K), anti-inflammatoires, antiallergiques, un traitement chimiothérapique, immunodépresseur ou antienzyme.

Les acrosyndromes

Les acrosyndromes sont des manifestations circulatoires, cutanées des extrémités, provoquées par les actions conjuguées de la vaso-motricité régionale et de la perméabilité capillaire, réalisant, par exemple, les engelures et d’autres troubles plus sérieux qui ont été traités au chapitre 1, sous le titre Troubles vaso-moteurs des extrémités .

Le mécanisme de ces troubles se fait par des médiateurs chimiques: l’histamine qui relâche le sphincter précapillaire, l’adrénaline qui le ferme, l’acétylcholine qui contracte l’artériole, la sérotonine qui contracte la veinule.

Les anastomoses artério-veineuses s’ouvrent quand la circulation de retour se ralentit et se ferment quand le débit augmente dans les veinules. Alors que, pour les auteurs classiques, la vaso-motricité est une variation passive du calibre des vaisseaux, pour les auteurs modernes elle est la distribution dans les anses ou les anastomoses sous la dépendance de facteurs neuro-hormonaux.

Les alternances de vaso-dilatation et de vaso-constriction provoquent l’ischémie (quand la vaso-constriction est trop forte), l’érythème (quand la vaso-dilatation est excessive), la cyanose (due au traitement du courant sanguin) et l’œdème (résultat de la perméabilité excessive des capillaires).

3. Les veines

Anatomie

Les veines sont des vaisseaux qui ramènent le sang de la périphérie au cœur. Elles prennent naissance dans les tissus où elles sont plus minces, plus dépressibles, plus dilatables que les artères. Ce dernier caractère leur permet de quintupler leur capacité, donc de remplir le rôle de réservoir sanguin.

En dehors des veines satellites des artères, qui sont au nombre de deux pour chaque artère, il existe un système veineux périphérique complexe; les veines se caractérisent extérieurement par leur disposition en réseau et en plexus et, surtout, par la présence des valvules, replis membraneux, semi-lunaires et opposés qui cloisonnent l’intérieur des veines et fonctionnent comme des soupapes; le nombre des valvules est variable, en général inversement proportionnel au calibre des veines, plus grand dans les veines profondes que dans les veines superficielles.

La troisième caractéristique des veines est le nombre élevé des anastomoses (ou communications) veino-veineuses, artério-veineuses, veino-lymphatiques, etc., dont l’importance pathologique est énorme.

Nomenclature et distribution

Les veines pulmonaires . Les veines pulmonaires sont formées de deux collecteurs veineux pour chaque poumon, un pour la partie supérieure, l’autre pour la partie inférieure de ces organes; elles assurent la petite circulation qui ramène au cœur le sang hématosé (cf. appareil CIRCULATOIRE).

Les veines de la tête et du cou . Les veines du cerveau sont volumineuses et anastomosées; un système veineux superficiel cortical draine les circonvolutions et un système veineux profond recueille le sang de la base du cerveau. Les veines du cou sont les veines sous-clavières, les troncs brachio-céphaliques, les veines jugulaires internes et externes antérieures et postérieures.

Les veines du membre supérieur . Certaines sont profondes et d’autres superficielles. Les veines profondes suivent le trajet des artères; dans la main se trouvent des veines interosseuses et des arcades veineuses superficielles et profondes; dans l’avant-bras, des veines radiales et cubitales; dans le bras, des veines humérales, qui se réunissent au niveau de l’aisselle pour constituer la veine axillaire, laquelle passe sous la clavicule et prend le nom de veine sous-clavière. Les veines superficielles ou sous-cutanées saillent sous la peau et sont très apparentes chez certains sujets; c’est à leur niveau que l’on pratique les injections intraveineuses, en particulier au pli du coude (à la «saignée» des auteurs anciens); ces veines superficielles forment un réseau aux mailles serrées au niveau de la main; à l’avant-bras, on reconnaît deux ou trois collecteurs dont la réunion, au pli du coude, a la forme d’un M majuscule d’où partent, pour les bras, les veines basilique et céphalique, qui débouchent dans les veines axillaires et les veines de la base du cou.

Les veines du membre inférieur . Il existe un système superficiel et un système profond (fig. 6) unis par des anastomoses appelées «perforantes», car elles doivent perforer l’aponévrose d’enveloppe des muscles de la jambe et de la cuisse. Les veines du système superficiel constituent un réseau dont les mailles sont assez lâches et qui se collectent dans deux grands axes: la veine saphène externe, qui remonte suivant «la couture du bas» et se termine par une crosse s’abouchant dans la veine poplitée; la veine saphène interne, qui remonte le long de la face interne de la jambe puis de la cuisse et se termine par une crosse dans la veine fémorale, au niveau de l’aine. Les veines profondes sont parallèles aux artères (deux veines pour une artère): les veines du pied et de la jambe se continuent par la veine poplitée, unique, volumineuse, qui suit les troncs tibio-péroniers, forme ensuite la veine fémorale, qui deviendra elle-même la veine iliaque externe.

Les veines de l’abdomen et du pelvis . Le bassin renferme les veines iliaques: l’iliaque externe continue la veine fémorale venant du membre inférieur, alors que l’iliaque interne, ou hypogastrique, vient du petit bassin, de la fesse et des nombreux affluents et collatéraux. Dans l’abdomen, la veine cave inférieure suit le bord droit du rachis, derrière le foie, et aboutit à l’oreillette droite. Le système porte draine le sang veineux provenant du tube digestif et se rend dans le domaine hépatique où les matières premières issues de la digestion sont transformées, stockées, puis remises en circulation par les veines sus-hépatiques qui aboutissent à la veine cave inférieure.

Les veines du thorax . La veine cave supérieure est la collectrice de toutes les veines sus-diaphragmatiques. Ses affluents sont les troncs brachio-céphaliques, volumineux collecteurs du sang de la tête, du cou et des membres supérieurs, formés de la confluence des veines jugulaires et sous-clavières.

Histologie

La paroi veineuse est composée de trois couches concentriques, soit, en allant de l’intérieur vers l’extérieur du vaisseau: l’intima, la média, l’adventice. La répartition, le nombre, la disposition des fibres lisses varient selon l’adaptation fonctionnelle de la veine à l’organe qu’elle irrigue. La paroi s’épaissit quand la veine doit supporter une forte pression hydrostatique.

Physiologie et physiopathologie

Les veines sont un système de conduits déformables où le sang circule à basse pression. Elles ont deux grandes fonctions, celle de ramener le sang au cœur, ce qui est le but principal de toute la circulation, mais aussi celle d’être une réserve de masse sanguine.

Pendant des siècles, de l’Antiquité au Moyen Âge, l’enseignement de la physiologie veineuse était fondé sur la certitude que les veines transportaient du sang nutritif, que les artères transportaient de l’air et que la paroi du cœur était poreuse pour permettre les échanges entre l’air et le sang. Depuis lors, la connaissance de la physiologie a beaucoup progressé. C’est surtout le problème du retour du sang veineux des membres inférieurs qui a attiré l’attention des chercheurs, car il présente des difficultés particulières dues à la pesanteur. Aussi prendra-t-on pour exemple l’étude de la physiologie veineuse de cette partie du corps.

La circulation sanguine dans les veines

Les problèmes du retour du sang veineux des membres inférieurs sont résolus par l’association de plusieurs mécanismes qui sont:

– La vis a tergo : résidu de la force propulsive de la systole (contraction cardiaque) qui continue à pousser le sang veineux après la barrière capillaire.

– La vis a fronte : c’est-à-dire la dépression créée dans les vaisseaux par l’aspiration diaphragmatique respiratoire formant dans l’abdomen une pression négative qui aspire le sang vers le haut.

– L’écrasement de la semelle veineuse au cours de la marche, qui amorce le retour du sang veineux. «L’homme marche comme sur une éponge.»

– Les valvules : petits lambeaux de la paroi interne de la veine qui, pour les Anciens, avaient une fonction hydraulique segmentant la colonne sanguine pour éviter une trop forte pression dans les parties déclives. Pour les auteurs modernes, ces valvules ne font que diriger le courant sanguin à condition que les parois veineuses ne soient pas dilatées, ce qui explique l’importance de la marche.

– Les contractions musculaires , qui compriment les veines; le sang se dirige alors dans toutes les directions, mais les valvules, dont les lèvres sont coaptées grâce à la contraction musculaire, vont le canaliser et le diriger vers le cœur.

Les troubles de la circulation veineuse

Le mécanisme complexe et fragile de la circulation veineuse peut se dérégler. Pour certains auteurs, il existe une insuffisance valvulaire congénitale primitive qui permet un contre-courant veineux. Pour d’autres, cette insuffisance valvulaire n’est qu’un phénomène secondaire consécutif à un relâchement pariétal de veines constitutionnellement faibles. Certains facteurs sont prédisposants, tels que l’hérédité: elle porte sur la fragilité du terrain veineux qui permettra l’apparition de varices dans certaines circonstances. D’autres facteurs peuvent être aggravants: ce sont, par exemple, l’orthostatisme professionnel obligeant à une station debout prolongée. En outre, les troubles hormonaux, tels que la puberté, la grossesse, la ménopause, sont des périodes de crises fragilisant le tissu veineux et provoquant des poussées de la maladie variqueuse. De même, les troubles nutritionnels: obésité, diabète, etc., interviennent dans la circulation veineuse.

C’est l’endothélium veineux qui souffre d’abord de ce contexte pathologique. Ultérieurement, le délabrement intéresse les valvules et une partie du sang veineux se dirige à contre-courant. Il stagne dans les parties déclives des membres inférieurs baignés par un sang hypoxique, d’où l’apparition de troubles de gravité diverse mais croissante au cours d’une évolution lente et inéluctable. D’abord, les troubles fonctionnels comme les lourdeurs, les douleurs, les œdèmes; puis, des troubles trophiques, processus dégénératif d’atrophie scléreuse du tissu conjonctif, qui vont fragiliser les tissus, provoquant pigmentation (dermite ocre), inflammation (hypodermique), dermatose (eczéma variqueux) et, finalement, des plaies torpides (ulcères variqueux). Les parois des veines variqueuses, au contact d’un sang toxique et d’un courant ralenti, peuvent aussi être le siège de phénomènes inflammatoires (thromboses superficielles variqueuses), couramment appelés périphlébites.

Pathologie

Principaux syndromes

La pathologie veineuse comprend trois grands chapitres: thrombose veineuse, varices, troubles trophiques.

La thrombose veineuse

Le thrombose veineuse est la coagulation du sang à l’intérieur d’une veine. On rappellera que la thrombose peut soit être accompagnée de phénomènes inflammatoires de la paroi (thrombophlébite) – le caillot est alors adhérent et ne provoque pas d’embolie –, soit au contraire coexister avec une paroi peu enflammée (phlébothrombose) – auquel cas le caillot est libre et très dangereux, car il est emboligène.

La cause de ces thromboses profondes est souvent locale et le processus est biochimique. Le fibrinogène est transformé en fibrine par des thromboplastines tissulaires et vasculaires activées par diverses enzymes circulantes [cf. THROMBOSES].

Les varices

Les varices forment le chapitre le plus couramment rencontré de la pathologie veineuse. Les varices sont souvent pénibles par la gêne fonctionnelle qu’elles provoquent dans la vie privée et professionnelle, et même par les troubles psychologiques dus à leur aspect inesthétique. Ce sont des dilatations des veines superficielles qui réagissent à l’augmentation de pression intravasculaire par une hypertrophie des parois et un allongement du vaisseau.

Les varices peuvent être classées suivant leur morphologie en varices tubulaires , rectilignes, plus fréquentes chez les sujets de sexe masculin, et en varices serpentines , sinueuses, parfois en tête de méduse, où l’allongement est plus important que l’épaississement; on rencontre ces dernières principalement chez les sujets de sexe féminin. Les varices ampullaires correspondent à l’émergence de veines perforantes (points de fuite venant de la profondeur); elles intéressent soit le domaine saphène interne – ce sont les plus pathogènes –, soit le domaine saphène externe.

Une autre classification permet d’étudier les varices d’après leur étiologie. On distingue les varices essentielles , ou primitives, ou idiopathiques, qui sont les plus courantes, sans cause apparente autre que l’hérédité; les varices de la grossesse , d’origine hormonale et non mécanique, dont une partie disparaît après l’accouchement; les varices post-traumatiques , ou varices d’effort, ou varices de sportif; les varices postphlébitiques , survenant parfois des années après une thrombose profonde.

Enfin, il faut ranger à part les télangiectasies, aussi appelées varicosités, ou microvarices, ou varices dermiques, qui sont parfois le siège d’émergence de petites perforantes incontinentes. Elles atteignent plus souvent les femmes; elles sont généralement indolores et sans caractère pathologique autre que leur aspect inesthétique.

Les troubles trophiques

Parmi les troubles trophiques, on distingue: les thromboses superficielles, qui sont une inflammation de la paroi veineuse sans trouble de la coagulation; l’hypodermite, phénomène inflammatoire des tissus du tiers inférieur de la jambe, tenace, rebelle, douloureux, difficile à traiter; l’eczéma variqueux, fréquent sur les téguments fragilisés, amenant peu à peu l’ulcère variqueux; l’ulcère de jambe, nécrose sans tendance spontanée à la guérison, provoquée par la mauvaise nutrition tissulaire. Ce sont des plaies torpides, souvent surinfectées, douloureuses, interminables, survenant soit sur une plage de dermite achromique, soit sur une hypodermite, soit sur une jambe postphlébitique.

Examen et traitement d’un variqueux

L’examen clinique du malade doit être très sérieux et comporte:

– La systématisation des varices détectées par l’observation visuelle et le toucher;

– Le repérage des veines perforantes où le sens du courant sanguin est inversé (en effet, chez les variqueux, le sang circule dans les veines perforantes de la profondeur à la superficie, ce qui aggrave les varices);

– L’examen des garrots étagés pour déceler le contre-courant veineux et voir si les voies de retour profondes sont perméables (malade couché, les garrots sont serrés à divers niveaux du membre; puis, le malade relevé, ces garrots sont enlevés en partant du haut, ce qui permet de visualiser le remplissage progressif des veines incontinentes);

– L’examen général avec recherche des tares (obésité, diabète) et des maladies associées (rhumatismes, etc.);

– L’examen cardio-vasculaire (indice oscillométrique des artères, examen cardiaque);

– Le bilan humoral (recherche de l’urée, du cholestérol, etc.).

Dans certains cas, des examens paracliniques instrumentaux sont nécessaires:

– La phlébographie, méthode qui a beaucoup apporté à la phlébologie en visualisant les troncs profonds par injection d’iode dans les veines profondes; ses indications sont actuellement restreintes aux cas complexes, aux récidives chirurgicales, aux maladies congénitales des veines et à la médecine légale;

– La thermométrie cutanée, qui permet le repérage des perforantes par l’étude très fine des différences de température de la peau;

– La pléthysmographie, dont a bénéficié l’étude des œdèmes;

– L’artério-phlébographie, grâce à laquelle on décèle les circuits courts (communications pathologiques, shunts artério-veineux) et l’échographie Doppler.

– Enfin, les examens de laboratoire (taux de prothrombine, test à l’héparine, thromboélastogramme, etc.) pour l’étude de la coagulation du sang.

Grâce aux anticoagulants, la thrombose n’est plus une maladie grave et parfois mortelle. Néanmoins, ses séquelles peuvent persister et se manifester des années après la phlébite. Les malades doivent donc rester sous surveillance.

Le meilleur traitement des varices est leur extirpation. Les gros troncs variqueux rectilignes relèvent de l’extirpation chirurgicale. Cette intervention, appelée stripping, associée à la ligature de crosse, permet d’extirper les veines saphènes internes dilatées. Elle doit être complétée par la sclérose des varices résiduelles sous peine de récidive rapide. L’élimination médicale des varices se fait par sclérothérapie: suppression des varices par injection intravariqueuse de produits sclérosants. Elle peut être employée seule ou pour compléter la chirurgie. C’est la méthode la plus courante. Entre des mains expertes, elle est inoffensive, et très efficace à condition d’être entretenue pour éviter les récidives. La suppression des varices supprime le contre-courant veineux, cause de toutes les complications lointaines des varices. En extirpant des troncs veineux devenus inutiles et nocifs, on permet le retour du sang veineux par de nombreuses veines de suppléance intramusculaires. Lorsque les deux premiers traitements sont impossibles à cause de l’âge ou de la maladie, on sera obligé de conserver les varices en les soignant par une contention élastique par bande ou par bas, qui, sans éviter les complications, les retarde et soulage les malades. Le thermalisme, enfin, permet de consolider et d’améliorer les résultats de la thérapeutique par son action bénéfique sur la trophicité des tissus et sur le terrain veineux.

Parmi les troubles trophiques, la thrombose superficielle ne nécessite ni anticoagulant, ni alitement, ni antibiotique, mais un traitement anti-inflammatoire et le port de bande élastique qui autorise la marche; l’eczéma variqueux demande un traitement général et local dermatologique et la suppression des varices; l’ulcère de la jambe se traite par des pansements locaux, des bottes élasto-compressives et surtout en s’attaquant à la cause, c’est-à-dire par la suppression médicale ou chirurgicale des varices.

À tous ces traitements il faut ajouter l’arsenal des drogues phlébotoniques et vaso-protectrices phytothérapiques (intrait de marron d’Inde, fragon, etc.) et vitamino-thérapiques (vitamines C, P, PP). Leur grand nombre est la preuve qu’aucune n’est totalement efficace. En tout cas, aucune ne peut remplacer le traitement de la cause des troubles et faire disparaître les varices.

Le nombre de variqueux, la gêne que ces malades ressentent dans la vie quotidienne et professionnelle font de cette affection un véritable fléau social. Les nuisances du monde moderne (sédentarité, chauffage par le sol, orthostatisme professionnel), certains traitements nouveaux (œstroprogestatifs de synthèse) contribuent à aggraver les maladies vasculaires, ce qui rend indispensables une bonne information des malades et une meilleure culture angéiologique pour obtenir un effet non seulement curatif mais préventif. Celui-ci comportera certaines règles d’hygiène de vie communes à tous les fragiles veineux: la surélévation des pieds du lit; la surveillance pondérale; la pratique de sports tels que la marche, la natation, la bicyclette, améliorant grâce aux contractions musculaires le retour du sang veineux; l’interdiction des expositions prolongées aux sources de chaleur excessives (soleil, infrarouges); l’interdiction de manœuvres brutales sur les jambes variqueuses (massages anticellulitiques par pétrissage en profondeur).

Enfin, une surveillance phlébologique annuelle est requise; elle permet un bilan vasculaire, un traitement de fond et une retouche éventuelle des scléroses pour éviter les récidives.

4. Les lymphatiques

La circulation lymphatique est moins bien connue que celle des artères et des veines. D’abord parce que la pathologie des lymphatiques est moins riche que celle des autres vaisseaux, ensuite parce que son exploration est plus délicate et ne fait guère l’objet de travaux sérieux que depuis quelques années.

Anatomie

Le système lymphatique naît de culs-de-sac endothéliaux ayant avec les tissus les mêmes rapports que les capillaires sanguins. Les capillaires lymphatiques existent dans tous les tissus. Par convergence, ils donnent des canaux de plus en plus importants, qui se réunissent pour former des collecteurs.

Les parois des vaisseaux lymphatiques sont constituées de trois tuniques: une tunique interne, représentée par un endothélium aplati et une couche sous-endothéliale; une tunique moyenne contractile, formée de fibres lisses; une tunique externe conjonctivo-élastique. La lumière des lymphatiques est cloisonnée par des valvules comparables à celles des veines et qui évitent le reflux de la lymphe.

Sur le trajet des lymphatiques, on trouve des ganglions, qui sont des formations de tissu lymphoïde. Ils sont arrondis, ovoïdes ou réniformes, et constituent des relais disposés le long de la circulation lymphatique. Les vaisseaux afférents aboutissent à la corticale du ganglion, et les efférents se détachent du hile ganglionnaire. Rarement isolés, ces ganglions se groupent en amas dans des aires anatomiques: les ganglions inguinaux au niveau de l’aine et les ganglions axillaires contrôlent respectivement la quasi-totalité des lymphatiques des membres inférieur et supérieur. Dans le bassin, les ganglions suivent l’axe des gros vaisseaux (ganglions iliaques), et c’est sur les flancs de l’aorte que siègent les volumineux ganglions qui drainent les lymphatiques de l’abdomen. Ceux-ci aboutissent à un réservoir, la citerne de Pecquet, qui se trouve au-devant de l’aorte et sous le diaphragme. Il s’en détache le canal thoracique, qui est le collecteur terminal de la quasi-totalité de l’organisme. Ce canal parcourt le médiastin postérieur en longeant l’aorte et, arrivé à la base du cou, il se déverse dans la veine sous-clavière gauche. Quelques lymphatiques empruntent une autre voie et aboutissent à la grande veine lymphatique, qui se jette dans la veine sous-clavière droite.

Physiologie

Formation de la lymphe

Rappelons les principes de la filtration-réabsorption liquidienne à travers les parois des capillaires, fondés sur les pressions qui règnent dans les capillaires et le milieu interstitiel. Dans le capillaire artériel, la pression hydrostatique est de 35 mm de mercure. Elle est donc supérieure à la pression oncotique du plasma des milieux interstitiels qui est de 25 mm de mercure environ. L’opposition de ces deux forces aboutit à une filtration qui déplace l’eau et les électrolytes du capillaire vers les milieux interstitiels. Dans le capillaire veineux, la pression n’est que de 10 mm de mercure: il en résulte une réabsorption des milieux interstitiels vers le capillaire veineux. Lorsqu’il y a excès de filtration sur la réabsorption, le drainage est assuré par la voie lymphatique. Quand le tissu est au repos, la production de lymphe est négligeable. Par contre, elle augmente considérablement quand l’activité tissulaire s’accroît ou lorsqu’il y a inflammation, car la filtration excède de beaucoup les possibilités de réabsorption. Dans ce cas, le débit lymphatique s’accroît ainsi que sa pression, qui passe de 3 mm de mercure à 50 mm de mercure.

Fonctions du tissu lymphatique

Les fonctions du tissu lymphatique sont très importantes. Il assure, d’une part, le drainage de l’excès de liquide interstitiel, ce qui évite l’augmentation de la pression tissulaire et maintient la constance du volume plasmatique. Si la circulation lymphatique s’engorge, par production excessive de liquide interstitiel ou par obstacle sur la voie lymphatique, il y a production d’œdème.

Il transporte, d’autre part, des protéines, certaines graisses, vitamines, enzymes et hormones. On conçoit donc qu’une plaie du canal thoracique ou une fistule lymphatique entraînent une déperdition liquidienne considérable et surtout une spoliation de substances fondamentales.

Il permet, en troisième lieu, la filtration par les ganglions des agents microbiens et des cellules néoplasiques. Ce rôle de barrage constitue un des moyens de défense les plus efficaces de l’organisme contre les agressions.

Il fabrique et transporte les lymphocytes, dont le rôle dans la lutte contre certaines infections est bien connu, ainsi que celui qu’ils jouent dans d’autres phénomènes immunologiques.

Exploration du système lymphatique

L’exploration clinique

L’exploration clinique se borne à la recherche des ganglions, dont on apprécie la taille, la consistance et l’hypertrophie. Les vaisseaux lymphatiques ne sont ni visibles ni palpables, sauf lorsqu’ils sont anormalement dilatés et constituent de véritables varices lymphatiques. De même, les lymphatiques intestinaux sont identifiables pendant la digestion du fait de l’aspect lactescent de la lymphe intestinale (ou chyle).

Principalement, deux examens permettent d’expertiser la circulation lymphatique: l’épreuve au bleu et la lymphographie.

L’épreuve au bleu

L’épreuve au bleu consiste à injecter au niveau de la base du gros orteil, où l’on réalise une petite flaque, 1 centimètre cube d’un colorant.

La résorption peut être normale ou anormale. La résorption normale est caractérisée par une flaque dont les limites sont précises et d’où se détachent des axes bien tracés remontant vers la jambe: ce sont les lymphatiques colorés électivement. On peut en conclure l’intégrité du système lymphatique dans le territoire de l’injection, mais cela n’exclut par l’éventualité d’un blocage lymphatique haut situé (par exemple, blocage tumoral des relais ganglionnaires).

La résorption anormale est caractérisée par une flaque diffusant à tout le dos du pied et s’étendant par injection rétrograde des lymphatiques. Il s’agit alors d’une atteinte primitive ou secondaire du système lymphatique, se traduisant par une stase ou un reflux.

L’épreuve au bleu ne peut toutefois pas préciser quel est le trouble lymphatique causal: agénésie, oblitération, blocage ou atteinte du système valvulaire.

La lymphographie

La lymphographie est l’exploration radiologique des lymphatiques qui sont visualisés par l’injection d’un produit radio-opaque dans un lymphatique identifié et isolé par l’épreuve au bleu. On utilise une seringue adaptée sur un injecteur automatique, dont la poussée est fournie par la pression d’un gaz comprimé. La prise de clichés se fait immédiatement après l’injection (pour visualiser les vaisseaux lymphatiques) et vingt-quatre heures après celle-ci (afin d’étudier les ganglions opacifiés).

La lymphographie normale met en évidence dix à douze collecteurs lymphatiques fins, de calibre régulier, dont le trajet est rectiligne ou harmonieusement sinueux. Ils aboutissent aux relais ganglionnaires décrits plus haut. En radiocinématographie, on observe un passage rythmé lymphatico-veineux, et aussi les valvules terminales qui empêchent le sang veineux de refluer dans les voies lymphatiques. Les ganglions ont un aspect variable: soit opacification précoce, homogène, soit opacification tardive, mouchetée.

Les aspects pathologiques décelés par la lymphographie ont permis de progresser de façon décisive dans la connaissance des lymphopathies, de mieux les identifier, d’en suivre l’évolution et de déterminer une orientation thérapeutique. Les canaux lymphatiques présentent de nombreux aspects pathologiques; ils portent sur le nombre des lymphatiques, réseau anormalement riche dans la maladie de Hodgkin ou très clairsemé dans certains lymphœdèmes (on parle alors d’aplasies ou d’hypoplasies); sur leur calibre: très grêles dans les hypoplasies, ou dilatés, constituant des varices lymphatiques; enfin, sur leur topographie, dont les variations sont la conséquence d’un blocage provoquant la formation de circuits de dérivation anormaux ou d’une tumeur qui refoule et dévie la voie normale.

Les ganglions ont des anomalies de taille, de contour et d’opacité; la taille peut devenir monstrueuse et atteindre plus de 10 centimètres de diamètre dans la maladie de Hodgkin (cf. photo ci-contre); l’opacité donne des aspects qualifiés de tuberculés, piquetés, striés, spumeux, lacunaires, fantomatiques; les contours perdent parfois de leur régularité. Les ganglions porteurs de métastases ont souvent un aspect déchiqueté.

On conçoit toutes les difficultés d’interprétation de ces images, dont les nuances ne peuvent être appréciées que par des spécialistes.

Pathologie des vaisseaux lymphatiques

On n’envisagera que la pathologie des vaisseaux lymphatiques à l’exclusion des maladies du système lymphoïde, c’est-à-dire des hémopathies.

Il faut signaler toutefois que la lymphographie a permis de mieux connaître la nature et l’évolution de ces hémopathies. Les images des ganglions pathologiques sont en effet très significatives du degré d’envahissement par le processus tumoral: il en est ainsi dans la maladie de Hodgkin où les ganglions peuvent être volumineux, d’aspect piqueté et criblés de lacunes. Dans les leucémies myéloïdes, les lymphosarcomes, la maladie de Brill-Symmers, l’aspect des ganglions est moins caractéristique mais, dans tous les cas, les lymphographies faites en fin de traitement permettront de juger de la régression des lésions. Inversement, une récidive ou une aggravation est facilement détectée par ce même examen. La pathologie du vaisseau lymphatique, sans être aussi riche que celle des veines et des artères, mérite d’être précisée.

Les plaies des lymphatiques donnent rarement une symptomatologie bruyante au niveau des membres. Mais il arrive que l’on observe des lymphorragies à la suite du stripping (extirpation chirurgicale d’une varice) d’une veine saphène interne, surtout lorsque les varices s’accompagnent de lésions de dermite, qui sont souvent responsables de l’altération concomitante des lymphatiques.

Par contre, la blessure du canal thoracique est extrêmement rare. Elle entraîne un épanchement de lymphe dans le thorax: c’est le chylothorax, qui peut atteindre plusieurs litres de liquide laiteux et dont le pronostic est souvent réservé, car il provoque une déperdition hydro-électrolytique, protidique et lipidique. Le chylothorax survient parfois sans qu’il y ait traumatisme. Il convient alors de rechercher une tumeur thoraco-médiastinale, une affection parasitaire ou une thrombose de la veine cave supérieure.

L’ascite chyleuse est due à la rupture de vaisseaux lymphatiques mésentériques dans la cavité péritonéale. Elle relève, elle aussi, d’étiologies variées: traumatismes, adénites mésentériques, parasitose (bilharziose ou filariose), voire de la rupture de varices lymphatiques.

Le traitement du chylothorax et de l’ascite chyleuse ne peut être que chirurgical, après investigation lymphographique: ligature des vaisseaux lymphatiques ou du canal thoracique, d’ailleurs souvent difficile. Au préalable, une réanimation s’impose pour corriger les troubles métaboliques.

La chylurie est une affection rare, caractérisée par une communication pathologique entre les lymphatiques périrénaux et les cavités excrétrices du rein. Elle se traduit par le passage de la lymphe dans les urines (d’où lipurie). La chylurie peut être intermittente ou constante et très abondante. Là encore, c’est la lymphographie qui permet le diagnostic en mettant en évidence la fistule lympho-urinaire avec image de reflux lymphatique. Il s’agit le plus souvent d’un blocage complet ou partiel du canal lymphatique, et il convient de rechercher une filariose, qui est parfois l’agent causal de ce blocage.

Les lymphœdèmes

Lymphœdèmes du membre inférieur

Cliniquement, les lymphœdèmes du membre inférieur réalisent l’aspect classique d’une «grosse jambe» avec œdème ferme, envahissant la totalité ou l’extrémité du membre, peu influencé par le repos et la surélévation, et surtout non accompagné de dilatations veineuses.

C’est la lymphographie qui a permis de distinguer les lymphœdèmes secondaires et les lymphœdèmes primitifs.

Les premiers sont secondaires à un blocage par une tumeur pelvienne (par exemple, cancer de l’utérus envahissant) ou à une destruction des relais ganglionnaires par radiothérapie ou curage ganglionnaire, voire à une plaie plus ou moins infectée des vaisseaux lymphatiques.

Les lymphœdèmes primitifs sont ceux auxquels on ne trouve pas de cause. Kinmonth décrit quatre groupes de lésions sur le plan radiologique: aplasie totale (14 p. 100), aucun lymphatique n’est visible; hypoplasie (55 p. 100), il y a quelques rares lymphatiques; aspects varicoïdes des lymphatiques (25 p. 100); reflux dermique isolé (6 p. 100).

Servelle, qui a acquis une grande expérience dans ce domaine, distingue les lymphœdèmes de l’enfant et de l’adulte.

Chez l’enfant, le lymphœdème peut être héréditaire ou non. Le lymphœdème héréditaire, ou maladie de Milroy, intéresse les deux membres, apparaît à la puberté et se complique souvent de poussées infectieuses sévères. Le lymphœdème non héréditaire est beaucoup plus fréquent. Il est unilatéral et peut apparaître à la naissance ou à la puberté. Les accidents infectieux sont plus rares, ainsi que les lymphorragies (écoulements de lymphe par rupture d’une petite varice lymphatique).

Chez l’adulte, le lymphœdème évolue lentement et peut se compliquer de poussées de lymphangite, voire d’érysipèle qui en aggravent l’évolution. Il débute à la cheville ou à la racine de la cuisse et peut envahir les organes génitaux. Le diagnostic de ces œdèmes est souvent difficile à établir, car la confusion est possible avec un œdème secondaire à une phlébite ancienne et méconnue, voire à une malformation veineuse congénitale, telle que l’agénésie de la veine fémorale ou une fistule artério-veineuse. C’est dire que la phlébographie et l’artériographie doivent être parfois pratiquées pour lever les doutes. Il est bon de signaler que ces œdèmes «veineux» s’accompagnent souvent d’une participation lymphatique objectivée par la lymphographie, et cela explique la difficulté de leur traitement.

Il faut citer enfin les éléphantiasis tropicaux: ce sont des lymphœdèmes de proportions monstrueuses dus au blocage des lymphatiques (par une filariose le plus souvent).

Le traitement des lymphœdèmes est difficile et souvent décevant. La technique de Van der Molen consiste à enrouler un tuyau de caoutchouc depuis le pied jusqu’à la cuisse afin de chasser l’œdème vers la racine du membre. La pose d’une bande élastique réalise ensuite une contention efficace. Ce «tuyautage» est répété à intervalles réguliers jusqu’à obtenir une diminution appréciable de l’œdème. À cette méthode purement mécanique sont associées diverses thérapeutiques (diurétiques et phlébotoniques) et surtout une prévention rigoureuse de l’infection cutanée.

La chirurgie ne doit être envisagée que dans les lymphœdèmes irréductibles mécaniquement, entraînant une véritable infirmité sociale, et surtout lorsque les complications infectieuses deviennent menaçantes. En l’absence de traitement étiologique, on ne peut que supprimer ou réduire chirurgicalement ces tissus envahis d’œdème et de sclérose. Ces interventions portent le nom de lymphangiectomies et permettent de redonner au membre un galbe et un aspect acceptables sinon esthétiques. Des tentatives récentes de dérivation de la lymphe dans le courant veineux, par création d’une anastomose lympho-veineuse, se sont soldées par un échec.

Lymphœdèmes du membre supérieur

Les lymphœdèmes du membre supérieur sont plus rares. En règle générale, ils sont secondaires à un cancer du sein ou à une tumeur maligne de l’épaule traités par chirurgie suivie de radiothérapie ou de cobalthérapie qui entraînent un blocage ganglionnaire axillaire; c’est l’aspect bien connu du «gros bras» dont le retentissement fonctionnel et psychique est souvent préoccupant.

Les autres étiologies sont plus rares, et l’on a décrit, comme au membre inférieur, des lymphœdèmes primitifs, qui peuvent coexister avec des lymphœdèmes du membre inférieur, et des lymphœdèmes secondaires à des traumatismes ou à une filariose.

Leur traitement fait appel, comme au membre inférieur, à la compression suivie de contention.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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